MICHEL DUGUÉ
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Michel est décédé le mercredi 14 août 2024

MICHEL DUGUÉ
Veille

"Il y a la présence de l'eau
insistante encore accrue
par le bruit des gouttières
si proche d'un silence
qu'on croit que les mots du poème
accueillent jusqu'à perdre leur sens.

Entre eux quelque chose se construit
du jour pluvieux à ce corps léger
dont le mouvement ressemble
à de la lumière."

 

"À côté c’est le même silence
que celui du poème ou
d’un fruit sur la table.

Cela vient au-devant de soi.
On se demande si c’est vrai. "




Editions Folle Avoine, 2022


Rennes, 1 juin 2019, Forum du Livre

Le Réalgar, 2018

MICHEL DUGUÉ
Mais il y a la mer

"La lumière violette ne me surprend plus. Et quand la grisaille d'une journée d'hiver se dissipe sous le bleu insistant d'un coin de ciel, je lève la tête pour le localiser. Cet instant lumineux où ce monde se révèle — je veux dire où les choses se redisposent dans leurs volumes et leurs couleurs —m'est précieux pour ce qu'il m'apporte d'étroite correspondance avec le pays."

"Moment d'une intense relation où la chose la plus immédiate prend sens. Sentiment que l'indifférence ne peut exister. Ou alors elle n'est plus qu'une mode à son déclin. Tout est dit, me semble-t-il, avec le minimum de moyens. Formes et mouvements participent d'une présence, la plus simple, la plus dénuée d'artifice. On a la certitude d'être. D'être avec. Ni écrasement, ni perte de soi mais des clartés mitoyennes."



"Il conviendrait que dans les phrases une sorte de vide se ressente : quelque chose comme un paysage laconique où viendrait affleurer le réel par touches, bribes, traces déliant le texte ainsi ouvert à ce qui n'est pas lui mais le devient par l'opération mouvementée de l'écriture.
Il faudrait s'installer dans l'œil du peintre. Recouvrir mentalement la toile de matières. Et du foyer ainsi dégagé d'où volumes et couleurs s'élancent vers l'équilibre incertain, tenter de tracer quelques mots qui à leur tour donneront le ton à la progression aventureuse de l'esprit."

"Déblayer. Ne pas se laisser prendre dans la matière. Se porter sur ses bords. C’est de cet écart que l’œil apprécie le détail. Il donne à l’ensemble sa dimension."

"Mais la douceur s'avoue vivace lorsqu'un subtil éclairage attendrit les eaux. Chaque pierre tressaille comme au sortir d'un malaise ou d'une période de mutisme. Le ciel déverse ses bleus, ses mauves, ses blancs. Enrobe les rives, y met de l'air et des rumeurs. C'est d'un retour qu'il s'agit où le regard se libère de trop d'insistances. De celle qui, par exemple, nous fait prendre une nappe de brume pour un linceul ou le cri d'un goéland pour un funeste oracle. "

"La pluie accourt de l'ouest. Elle a dû aborder la presqu'île avec la vigueur d'un fouet. Elle avance par rangs serrés. Haletant dans son désir de croître.
Elle laisse sous elle une lumière pâle qui parfois s'emmêle à ses plus hauts moments. Et pareille à une torche va lessiver les nuages. L'eau rejoint l'eau. Le visage est une rigole de larmes. Les pierres se dorent de rouille. La mer ne veut pas noircir. Les oiseaux crachent du blanc. Ce sont des cheminées qui fument. Ici n'est pas pays de neige mais quelque chose qui s'en approche. Nous pouvons tendre les mains. Elles se referment sur le souvenir de ce qui fut. La pluie est ce que je ne peux dire. Elle a des traînes mais point de clameurs. S'évapore avant même d'être au sol. Après quelques heures, elle acquiert une régularité. Sa vigueur s'est transmuée en pendule. Je peux alors la toucher du doigt."

Couverture: Peinture de Jean-Pierre Bauduin


Rennes, 28 mai 2016 , Maison de la Poésie


 Editions Folle Avoine, 2014

MICHEL DUGUÉ
Tous les fils dénoués
suivi de Nocturnes

"...Marchant dans l'ombre
qui s'engrange
de toutes rumeurs
tu gardes celle
du flot ressassant
la plainte antique

Conservant de l'été
ces mêmes bruissements d'élytres
tu appuies ta mémoire
à des recoins d'ombre

De la brume peut surgir une île
(celle où tu vis désormais)
Il faudra que j'y marche comme si le flot
continuait... "
(NOCTURNES)


"...Rien de ce qu'alors mon regard perçut
n'échappait à l'entêtement d'être là."
(LES EAUX)

"Où sont les mots favorables
est-il possible de les rameuter?

D'échapper à ce silence des schistes
aux feuilles congelées
à tout jamais emmurées
dans la forme ruinée des récifs

Aussi dure
qu'un mouvement arrêté
coulé dans une éternité mutique."
(LA CONTREE)

Tous les fils dénoués, un billet de Jean-Claude Leroy

Radio-univers.com: Michel Dugué, le désir d'habiter le monde

 

 



La géographie de la Bretagne est un genre littéraire à part entière. Plusieurs écrivains y sacrifient le meilleur d'eux mêmes ( je songe à Marc Le Gros, Jacques Josse, etc...) La poésie de Michel Dugué s'y consacre également en grande partie. Elle est d'abord en effet une attention soutenue au paysage (….) C'est une nature à la fois discrète et rude qui est décrite, loin de tout pittoresque et de toute sentimentalité. Poésie économe, tant par les moyens qu'elle met en œuvre que dans les effets qu'elle vise, elle opère moins un enchantement qu'une décantation. On peut peut penser aux scrupules et à la modestie d'un Jaccottet avec une même méfiance envers les tourbillons de la langue lorsqu'elle s'arrête à ses images ( …)

Mélancolique cette poésie l'est par ce qu'elle voudrait justement autre chose que le mélancolie : une saisie du monde qui serait «  assentiment au dehors » au simple et franche participation à ce qui est (….)

Laurent Albarracin ( site « A la littérature » )


On pénètre toujours à pas feutrés dans l’œuvre de Michel Dugué. Rien d’abstrait, pourtant, dans son écriture. « L'air invisible a sa part de mystére ou d'hésitation », note le poète. Il y a dans ses textes des recoins, des chemins buissonniers, des embardées et des moments pour reprendre souffle. (…) Il y a , au-dessus, de sa tête, « un ciel de cirrus ». Il y a ,bien sûr, la pluie dans « ce ciel comblé de gris » (…) Le titre énigmatique s'inspire d'une phrase de Pierre Reverdy : « Tous les fils dénoués au-delà des saisons reprennent leur tour et leur ton sur le fond sombre du silence »

Saisons. Oui. Fond sombre. Oui, aussi, de bout en bout, un livre où l'on découvre un auteur en quête de sérénité dans une fréquentation assidue de la nature.(...) Dans le beau texte intitulé Nocturnes, qui clôt le livre, il y a des « yeux déshabités » et «  le règne du désordre ». Evocation à demi-mot – douloureuse – d'une fin de vie de quelqu'un cher à l'auteur « marchant dans l'ombre / qui s'engrange ». Poignant.

Pierre Tanguy ( site « Recours au poème »,repris in Place Publique n°113 )


(...) S'il est un écrivain rare, il n'est pas parcimonieux. Chacun de ses textes, chacun de ses recueils sont les récompenses d'un travail constant opéré sur la langue, sur lui-même, sur le monde qui l'entoure et qui le pénètre. (….) L’œil précis construit un art personnel qui peut réunir dans le même segment des mouvements d'une approche vaste et lumineuse ou des méditations posées sur un décor ou sur un objet, avec attention, avec application, avec implication. Certes on retrouve avec plaisir des thèmes qui lui sont chers comme l'océan, la terre et les rocs, la vivacité de la lumière quand elle se tend dans l'éphémère et la souveraineté. Mais plus encore ici, comme chez les plus grands, c'est la pratique même de la poésie qui trace ses fonctions premières : elle sont de saisir « quelque chose d' inattendu que l'habitude nous dissimule », d'explorer « un espace que le cadastre a oublié », de révéler la parole de ceux qui en sont privés ou qui en sont tenus à l'écart sous l'effet de la maladie (…). Cette souffrance il l'écrit avec une magistrale douleur dans l'ultime poème « Nocturnes » : « Les jours s'écourteront, viendront les rides / et s'épaissira le salpêtre du mur ».

Hervé Carn ( Les Amis de L'Ardenne, n° 47 )


(…) Fuir « l'encombrement général » et les « discours frelatés », retrouver patience et lenteur, attente et ferveur, éveil de tous les sens. « Redoubler d'effort », s'ouvrir au monde, à son mutisme, à son étrangeté, à « l'énigme de l'air » dirait Jacques Ancet. Accueillir en soi le songe «  ce mouvement de rapatriement vers un rêve, une légende improbable dont nous avons depuis longtemps désappris les mots ». Il faut parfois « rameuter les mots », les rassembler « en pont jeté sur le vide » (…) Sans cesse interroger le monde et l'écriture, « l'indécision des images », le défaut de la langue . Alors, peut-être, une sorte de consentement pacifié, un allégement, « Tous les fils dénoués » qui s'approche parfois de la « joie ».

Lieu aussi du passage, de la fragilité humaine (…) Précarité qui nous mène aux « Nocturnes » adressés à celle qui s'absente les « yeux déshabités », final saisissant qui réverbère sur le livre l'ombre de l'inéluctable.

Jacqueline Saint-Jean ( revue-texture.fr – pages critiques )


(…) L'humilité, la discrétion sont des marques toujours perceptibles de la poésie de Michel Dugué : l'intimité du poète, ses états d'être personnels sont comme absents des poèmes . Il s'agit moins pour lui de se dire que de dire le monde dont son intériorité se nourrit et de faire ainsi, indirectement , le portrait d'une sensibilité vibrante qui ne se dévoilerait que par sa façon de réagir à ce qui l'entoure et la touche. Cette poésie est à l'opposé de celles qui se complaisent dans l'expansion narcissique. Elle préfère l'interrogation du visible en le dessinant avec minutie et en le creusant par le pouvoir subtil des mots (….)

Il y a beaucoup de force dans sa discrétion et plus encore, peut-être, quand celle-ci devient pudeur dans la dernière partie du livre où il évoque l'éloignement d'un être cher :

« Ce que tu fus / le vent pourrait en témoigner / quand il rameute sous la soupente / les bruits de notre maison // Aujourd’hui vide de toi »

J.-F. M. ( Friches, n°119 )


Photographies de PASCAL GLAIS
avec des textes de MICHEL DUGUÉ

"La bâtisse du cellier paraît présider au déroulement des évènements. Sa toiture, ses pierres nous viennent d'un monde ancien, témoignent de ce qui fut; Est-ce un rêve que d'y croiser une lumière vieillie? Qelque chose - on ne sait trop quoi - nous parvient de si loin, bien avant que la durée ait déposé des rides, fomentée des obscurités comme les pliures d'un très vieux parchemin."

 

Editions Apogée, 2013


La Porte, 2009

MICHEL DUGUÉ
Contrée élémentaire

"...Mais règnent encore dans
les airs ces oiseaux
de couleurs.
Ils pactisent avec la joie,
font chanter sur nous
le cri des ombres

Elles nous furent proches, celles
qui le soir viennent boire
l'eau de sel. "


 

MICHEL DUGUÉ
Les alentours

"Il n'a plus d'appui. Ses jambes flageolent. Par endroits le sol cède sous lui. Il s'en extrait malaisément. Mais il avance. C'est la nuit sans trêve. Sous le couvert des nuages la lune embarque. C'est la nuit façonnée comme un outil de bronze retrouvé dans la terre. Il s'arme de patience. Son œil entame la ténèbre et le rebord caillouteux du chemin. Il a les mains assurées, les paumes dures. Elles prennent des pierres coupantes. Le sang ne les tache pas. Lentement ses pupilles s'agrandissent. Il voit. C'est la nuit pourtant mais il voit. En voisin, je m'approche, je le hèle. Il se retourne et joint la parole à son sourire. Bientôt le jour, me dit-il. "

 

Editions Folle Avoine, 2005


Les pluies, les couleurs glissent sur l’horizon. Entre terre et mer , il y a l’espace de tous les mouvements , de toutes les disparitions insensibles . Le poète sait retenir «  la lumière sourde que la brume renferme » Elle semble éclairer doucement de l’intérieur chaque poème (…..)

Gérard Bochelier
ARPA  quatrième  trimestre 2005

 

(…) Il est de ces poètes , lui, que ce il confine justement à une discrétion émue dont pourtant on ne peut oublier l’œuvre tant elle fait sûrement chemin . Or ce il-là a bien un nom puisqu’il s’agit de Michel Dugué pour son dernier recueil de poésie intitulé Les Alentours , déposant,  de livres en livres , ses jalons qui s’aperçoivent dans le lointain et sous ce rapport titré . Alentours qui éclairent le lieu , mieux que le lieu lui-même ne sût le faire (…) patinés par l’insistance d’un regard qui se pose sur une nature . L’outil quant à lui « c’est de l’encre qui transparaît / une encre pas encore séchée mais liquide » (….) Simple comme « une attention de bleu » Simple comme ces choses qui semblent si vraies parce que dites , senties, perçues , formant une poésie de simple constat ( mais généreuse) sans prolifération d’objets ni de mots , offerte par un langage qui l’est tout autant à circonscrire magnifiquement l’émotion sans jamais qu’elle déborde . « On mesure….quelques oiseaux qui allaient boire….On mesure la présence sans détour du paysage » (….) Où comme toujours se chevauchent les nuances , pour relayer la beauté de sa fragilité, son impermanence sous les coups  de pinceau de cet impressionniste qu’est bien Michel Dugué , peignant les moments fugaces , les espaces mouvants , les échos familiers de cette nature dont nous sommes tous issus , sans exception ; dont l’intime concrétion sous sa palette lui donne de transmuer le matériau le plus simple en perle poétique d’un rare éclat . Moment parfait. « Instant de plénitude soudain »

Mazrim Ohrti
Le Nouveau Recueil , juin 2006


 

 

Editions Apogée, 2004

MICHEL DUGUÉ
Vannes,
pour mémoire

"L'enfance a partie liée avec ces perceptions opposées comme s'il était malaisé d'engrener les moments gais à ceux marqués d'une tristesse étouffante, de revenir aux premiers puis d'enchaîner sur les seconds et ainsi de suite le long de ces jours, où ce qui néanmoins prévalait avait la couleur insistante d'un gris légèrement bleuté dans lequel la disposition mentale est toute de tendresse, bordée cependant de silences un peu chagrins. "

 

 

 

 

Rennes, 6 juillet 2007, La Cour des miracles

 

MICHEL DUGUÉ
Le Chemin aveugle

"C'était le moment d'une circulation très légère où l'air entier vibre de la clarté qu'il a su contenir."

 

Editions Apogée, 2002


(…) La poésie du texte l’emporte sur l’intrigue, le titre proposé mérite quelques explications : le chemin pose un ailleurs dans une certaine logique, fait effet de sens dans la longueur propre du récit, sans doute une relation dynamique relie-t-elle souterrainement les personnages entre eux, leur secret jamais avoué, les figures mystérieuses tellement probantes qui se réfère à l’aveugle (…) cet aveuglement s’adresse autant aux personnages qu’aux lecteurs, justifiant ainsi cette promenade qui nous est proposée ici ; un géo-poète passionné dont les ferveurs s’opposent au principe de réalité quand celui-ci est bien un principe d’oubli, une opacification de la mémoire, l’épreuve compose un réel de substitution ; ce jeu cruel se poursuit jusqu’au dénouement qui n’est pas encore une cassure, avec son lot de promesses, et non moins brûlante que la condition humaine. C’est être en face de cette tentative très imparfaite de rêver sa mort, d’en porter toutes les marques symboliques, même si nous ne devons jamais oublier l’intrigue, et d’éprouver une véritable affection, d’en inverser l’état, demandant l’adhésion totale au mystère, à cet éveil de ne pouvoir vivre autrement que dans ce dilemme : « ni avec toi ni sans toi »
(…)ces textes prolifèrent en tous sens, comme la vie, par leur magnétisme exercent leur potentiel d’euphorie et de rêverie, et c’est probablement là que se trouve leur vrai force (…)

Alain Duveau
Le Mensuel littéraire et poétique,
n° 304

C’est le miracle permanent d’une écriture de bout à bout dominée dont la fonction première semble être de vous perdre, et l’auteur avec vous. On a donc en fin de compte affaire à une entreprise «  poétique » au sens le plus noble de ce mot galvaudé (…) Michel Dugué est avant tout un poète rare et terriblement exigeant ( …)
Mais rassurons le lecteur : ce livre-poème est aussi un véritable roman qui peut se lire à plusieurs niveaux de conscience. C’est une enquête, une intrigue à suspense, une analyse psychologique diffuse sans aucun regrettable psychologisme, une méditation aussi sur le destin des êtres et sur la mort.
En un mot, un livre complet

La Marseillaise
16 juin 2002

 

 

Césure
Textes de MICHEL DUGUÉ
Peintures de Françoise Bailly
photographie de Pierre Gaigneux

"Où le bleu est irréfragable
jamais désigné mais présent
ainsi l'enthousiasme d'un ciel
qu'on ne voit pas,
qui déteint cependant
sur la calme surface des aplats,
se pose en retrait d'un
discret quadrillage."

 

 


Césure
Editions association Ombre et Lumière, 2001

 

Editions Dana, 2000

MICHEL DUGUÉ
Eléments, formes, nuages

"Les noms de lieux ici se répondent avec des sonorités sèches.
Je songe à deux silex frottés l'un contre l'autre. L'eau n'est pas avare d'étincelles. Elle est sans répit. Parfois le vent la met en feu. Une armée de bannières se presse sur la Pointe du Château. La presqu'île n'est rien qu'un rempart convoité. Mer et pierres sont alliées. C'est aux hommes de s'en débrouiller. La terre, cette chose si concrète connaît des soulèvements de granit. D'où le trouble qui fut le leur quand il s'est agi de la partager. Ce ne fut pas un damier mais un maillage de pièces fort peu semblables. En conter l'histoire serait s'égarer dans la nuit. "

 

 


(....) le poète arrache au lieu une vérité qui n'est plus d'apparence . Il trace des courbes de niveaux qui ne doivent rien -- ou si peu -- au relevé des cartes . La géographie intérieure supplante la géographie physique . Ainsi le titre lui-même nous oriente-t-il de l'élémentaire à l'évanescent , de ce qui n'a pas de forme à ce qui n'en a plus pour en changer en permanence (....) L'acuité de la perception détermine celle de la description , exécutée non sur le mode réaliste , mais avec un profondeur, une subtilité telle que le réel y gagne en évidence (...) Cela ne va pas sans rigueur, sans exactitude. L'attention doit sans cesse éviter les complaisances, déjouer les pièges.  
" Méfiance à l'égard des mots et de la fausse monnaie ! " . Nous le suivons volontiers en cela (...)

J-M.T
Poésie 1 - Vagabondages ( Mars 2000 )

 

(....) La presqu'île de Michel Dugué , frontalière des lieux gracquiens , incarne un avant-pays mystérieux, toujours effleuré , où tout est à son début , où rien ( histoire, langue ) n'est à stopper, à dénouer ou à trancher . C'est un pays tissé et relié par des voies précieuses ou l'homme a raison de laisser de temps en temps une toile d'araignée recouvrir la tranchante lame des faux.

J-L Aven
Le Mensuel littéraire et poétique n° 293

 

(...) Rien du lieu élu n'échappe aux cinq sens du poète, rien non plus à sa " conscience historique " qui mesure la nostalgie des hommes, comme celle de ces trois retraités , obligés de se partager une bouteille de vin sous un abribus , parce qu'on a fermé le bistrot du bourg.
Seule la prose peut sinuer entre toutes ces captations sans les isoler les unes des autres , en les réunissant au contraire dans le passage d'un marcheur qui est aussi un éclaireur à suivre.

J-F.M
Friches n° 74

 

 

MICHEL DUGUÉ
Le Jour contemporain

"Le vent retombé,
il n'y eut que lenteurs.

Ni écart ni expansion,
mais des formes arrêtées.

Une sorte d'émotion
retournée vers
l'intérieur.

Seule demeure
la couleur
avec quelques oiseaux
en suspension. "

 

Editions Folle Avoine, 1999


Lentement , mais sûrement, la simple énonciation devient vertige  . Qu'il se parle à lui-même ou à un interlocuteur invisible -- ce qui est à peu près la même chose -- Dugué fore le silence avec une patience de marée (......)

J.L.
Autre Sud

Michel Dugué reste sans doute l'un des poètes les plus discrets de l'époque . Sa parole est toute de retenue . On y décèle une attention particulière au paysage , à sa lumière, à ses bruissements. Dix ans après Le salut à l'hôte (...) On retrouve d'emblée , et avec émotion, la présence sensible de celui qui entre dans le livre en s'excusant presque de ne pas avoir pu garder le silence encore plus longtemps (...)

Jacques Josse
La Polygraphe

On peut s'assurer de la qualité d'un poème en observant la ligne, à la fois mélodique et de sens , qu'il dessine . Celle que suit Michel Dugué est visible, claire (...) Le vers est bref, économe, jamais démonstratif (...)

P.K.
Le Monde   (29/01/1999)

 

Editions Wigwam, 1993

MICHEL DUGUÉ
Le Paysage

"Ici, le vent est l'hôte. Il s'est bien installé. Je n'en finis pas de le voir passer comme quelque chose qui s'en va, ferraillant à grande vitesse. Parfois, il se calme. C'est un léger tourbillon que je vois flotter, doucement, sur mon herbe. "

 

 

 

 

MICHEL DUGUÉ
Le salut à l'hôte

DE CE COMBAT

"Je sais ce qu'il me reste -
un point de lumière sommé
d'un accent de pénombre.

Je pense à
ce soleil large comme un pied d'homme

Soudain dans un appel
une voix
"Mais demeure, rigoureux, sans effroi"

L'hôte est sur son seuil. Anonyme, yeux ouverts. Et
se retire afin que l'éclosion se fasse au mieux. "

 

Editions Folle Avoine, 1989


GESTE ULTIME D’UN ACHÈVEMENT

Tu parlais de s’accueillir contre la dispersion, dans la proximité de soi à soi. Et pensais que le premier apprentissage était d’écouter le remuement des galets sous la cadence régulière et profonde de la marée. Se sentir, ajoutais-tu, gagné par elle dans la coïncidence des passages du sang et de l’eau ‒ comme si l’océan habitait notre corps ou que celui-ci avait de l’océan fait demeure.

Puis après un silence, tu murmuras qu’alors quelque chose de nous se mourrait sous l’émotion d’une impitoyable clarté.

*

Ce corps abrite la chaleur tel l’équilibriste progresse sur le fil. Il sait, lui, la rupture possible, mais le corps d’usure en usure reçoit le froid comme un événement inédit.

*

Et, l’enfance n’est pas le bleu des mers. Elle ne reçoit que la chaleur octroyée pour une vie d’homme derrière laquelle attend le froid.

Geste ultime d’un avènement.


L' hôte , Personne, Celui qui jamais ne vient, le Visiteur , le Silencieux..., sans aucun doute je trouve ces fondateurs qui depuis Héraclite jusqu'à Munier continuent à m'interpeller. Et j'y glisse le nom de Dugué . Proche de ceux-là et de moi-même , proche de ce Rien, de ce Seuil , de ce qui se fonde tout en s'effaçant, Dugué s'achemine "jusqu'à la cité du jour". Il s'achemine avec ceux-là et avec lui-même ; il creuse , creuse et creuse toujours "pour trouver si peu" (...)
Aurais-je le courage de glisser ce livre dans ma bibliothèque ou le laisserais-je traîner à proximité, toujours à proximité.

Gaspard Hons
Les Nouvelles Parallèles,  n°11

(...) hantées par une parole collective qui s'est absentée, les poèmes de Michel Dugué frappent avant tout par une mesure tellement juste qu'ils retentissent en nous -- à la manière d'une corne de brume à peine entendue dont on s'éprend à jamais -- sans perdre en rien de leur mouvement.

Hervé Carn
La Nouvelle Revue Française, n° 445

Editions Ubacs, 1985

MICHEL DUGUÉ
Un hiver de Bretagne

Plus bas, la marée montante accumulait ses crêtes autour des récifs et sur les lits de galets qui ceinturaient entièrement la presqu'île. Une sorte de mélopée s'ensuivait produite par une langue boutonneuse qui se divisait en de multiples tentacules afin de s'immiscer dans les dédales de pierres. Loeiz ne s'en fatiguait pas, lorsqu'elle s'arrêtait, il sortait de chez lui et assis sur le muret surplombant la crique, tendait l'oreille dans l'espoir qu'à nouveau elle se lève.

 

 


(…) Réel et imaginaire, roman et poème s’échangent à l’infini et jouent de leur connivence au gré de la lente déambulation de Loeiz, vagabond fratricide, Caïn drapé de brume et de guirlandes d’oiseaux, veilleur de rivages et trouble-fête, bouc-émissaire sur lequel se concentrent toutes les angoisses et les superstitions de communautés maritimes que Dugué nous rend avec une rigueur de conteur et un génie d’entomologiste. (….) Son Hiver de Bretagne régalera les amateurs de littérature. Tout au bout de l’imaginaire même quand il défie la plaie originelle de l’être et de la fatalité, Dugué n’étreint jamais qu’une maîtresse : la réalité vivace et drue, la matière déchaînée et rapeuse. L’inspiration d’une terre attise en lui le vertige du monde et de la destinée. Il dépasse alors le domaine circonscrit de l’Ouest et son Hiver prend les dimensions d’un requiem cosmique.

Philippe Le Guillou
Artus n° 21/22


Michel Dugué nous offre un voyage qui n’a rien de touristique dans une Bretagne vibrant de désirs multiples, le passé et le présent, l’irréel s’y confondent ou plutôt échangent leurs signes selon des lois qui nous échappent.
L’occasion pour nous de pénétrer dans une autre vision du monde, non par souci d’évasion, mais afin de prendre recul, de conserver notre liberté face à l’univers technologique dans le- quel nous vivons(…)
Ajoutons que l’écriture de Dugué -- elle fait songer à celle de Gracq – contribue grandement à faire de ce roman une somptueuse et cruelle chronique d’une Bretagne proche et lointaine.

L’Ardennais


D’abord un peu de pédanterie grammaticale. Ou du bon usage des prépositions. Il y a une douzaine d’années les courageuses éditions Ubacs firent paraître un livre sublime de Michel Dugué : « Un hiver de Bretagne ». A peine un roman. Une méditation profonde et mise en scène pour donner le change (…) Je n’étais pas alors en charge de cette chronique et ne pus rendre compte de mon éblouissement (…)
C’est précisément le livre de Michel Le Bris, paru quant à lui aux excellentes Nil Editions, qui me donne l’occasion de cette digression nécessaire et libératrice. Celui-là s’appelle « Un hiver en Bretagne » . Il est, j’en parlerai,  fort plaisant en son genre. Et son titre ne se distingue de l’autre que par la préposition employée. Est-ce dessein, est-ce hasard ? Je ne saurais le dire mais je perçois immédiatement la différence du propos. « Un hiver en Bretagne » c’est un breton rentrant chez lui (…) et passant un mémorable hiver dans son enfance. Vague après vague, tout resurgit. Et c’est un véritable enchantement. Mais c’est une mémoire individuelle qui fonctionne devant nous(…) « Un hiver de Bretagne » c’est tout autre chose. C’est un monde qui se met en marche et, sous couvert de fiction romanesque, apparaît comme un morceau d’univers venu des fins fonds de notre galaxie ou de plus loin encore (…)

Jacques Lovichi
La Marseillaise


 

Editions Folle Avoine, 1984

MICHEL DUGUÉ
Nocturnes

"Sur la lande
rien qu'une eau légèrement remuée,
un sens à peine éclos,
un accueil qui tarde.

Le silence en frémit, annonçant et gardant,
tout à la fois, l'évènement à venir.

Poème, peut-être
ou envol d'ailes?

Déploiement à l'instant de la séparation
quand le ciel enferme ce qui va s'y nicher. "

 



MICHEL DUGUÉ
une escorte très nue

"Langues: parcelles d'eau, présence et mémoire.
Le déjà dit par couches se dépose sur le lieu l'abrupte permanence de la pierre aveugle épaissit l'instant de lecture et se tisse fibre à fibre l'entrelacs de ce qui a été dit et de ce qui se dit. L'eau se retire pour resurgir sous l'eau comme autant d'oiseaux qui font cercle sur la mer afin de peser lourdement dans nos yeux.
Roches statues repères saltinbamques recoins recours saumâtre ... L'heure est certaine du rassemblement, de même sonne l'heure du lieu sans écho, mais violente quand le sol se dérobe et que le sang afflue."

 

Editions Folle Avoine, 1983


"Rien d'autre qu'une accointance avec le silence, une garde sans objet, une inquiétude un peu vaine."

Michel Dugué. Les Silences du Site. Une escorte très nue

Le portrait de Michel Dugué par Jacques Josse sur le site de Jean-Claude Leroy


(…..), poète celui là, qui sur la rive tout autant que sur l’île, recueille non le gloria déclamatoire et insistant mais la nudité unique de sa voix sans ombre ni ombrage : de sa voix si simplement, si vivement humaine.
Denise Le Dantec

Vagabondages n° 54

(…..) parce qu’elle l’ose, parce qu’elle parvient à nous faire sentir le monde comme incomparable, la poésie de Michel Dugué dans son intense simplicité, nous entretient de ces présences invérifiables que sont certains mots et certaines choses échangés lors d’improbables pérégrinations, et qui rayonnent, et nous font vivre.

Jean-Marie Le  Sidaner
Europe n° 656

(….) Un livre admirable qui nous balance, tout naturellement, d’un lieu entre les choses rassembleur et secret au lieu entre les mots, non moins bâtisseur et discret.

André Doms
Le journal des poètes n° 8



Peintures de Philippe Le Gall